En France, le culte des chefs est surtout médiatisé par le fameux guide Michelin et par la presse spécialisée. Les recettes de ces chefs sont censées être des « créations personnelles » et reflètent la maturation d’un parcours personnel. Dans la médiatisation, le chef est toujours plus mis en avant que ses recettes, que son équipe.

L’approche chinoise est différente. Le concept de « meilleur restaurant » l’emporte sur celui du « chef ». Le label de « meilleur restaurant de Chine » est décerné par un jury professionnel lors d’un grand concours culinaire qui se déroule à Pékin tous les cinq ans. Le déroulement de ce concours reflète l’esprit de la cuisine chinoise : le chef n’est qu’un maillon interchangeable dans le temps pour exécuter des recettes dont les moindres détails ont été codifiés. Les créations culinaires se travaillent toujours en équipe et restent la propriété du restaurant. C’est toujours l’histoire du restaurant qui est mise en avant, et non « le chef ».

Tous les cinq ans, plus de 200 restaurants censés représenter toutes les régions de Chine, participent à ce concours national. Seuls une vingtaine de restaurant arrivent à décrocher le titre de « meilleur restaurant de Chine » pour cinq ans. Comme pour le guide Michelin, ce titre apporte prestige et fréquentation importante à l’établissement.

Le concours comprend deux épreuves : une épreuve visuelle et une épreuve pratique à partir d’un thème et d’une liste d’ingrédients autorisés.

L’épreuve visuelle consiste à dresser une table de dix couverts avec une sculpture de légumes, une entrée froide, 5 plats chauds et 3 pâtisseries. Cette épreuve note la qualité de la composition des plats, la mise en scène du thème, l’esthétisme des plats présentée, l’harmonie des couleurs, le choix des ingrédients utilisés, les modes d’assaisonnement, la maîtrise technique. Il s’agit d’un travail d’équipe car sa réalisation fait appel à la collaboration de toute une brigade. Les plats présentés sont de véritables tableaux, plus proche de la sculpture que de l’art culinaire proprement dit pour un œil occidental. Cette épreuve se déroule dans le Palais des Minorités Nationales à Pékin, sur la place de la Paix Céleste. Le jour du concours, les candidats ont une heure pour dresser sur leur table les plats préparés à l’avance chez eux, de 5 à 6 heures. De 6 à 7 heures, le jury entre en scène pour noter cette épreuve visuelle. Pour éviter toute accointance avec les candidats, les noms du membre du jury sont rendus publics que la veille.

L’épreuve pratique se déroule dans une école hôtelière de Pékin. Chaque équipe dispose de 90 minutes pour exécuter deux des cinq plats chauds présentés lors de l’épreuve visuelle. La dégustation et la notation se font par plusieurs groupes de jury pour le même plat afin d’équilibrer les points de vue. Comme dans tous les concours, avant la phase de dégustation, les candidats sont notés aussi sur la maîtrise de leur poste de travail, de l’hygiène, de la gestion du commis et des techniques utilisées.

L’annonce des résultats officiels a lieu le lendemain de l’épreuve pratique. Il donne lieu à une grande manifestation avec déjeuner dans le Palais du Peuple, toujours sur la Place de la Paix Céleste. Toutes les équipes participantes repartent avec un trophée, mais à chaque édition, seuls une vingtaine de restaurant repartent avec le fameux titre de « Meilleur restaurant de Chine » pour cinq ans.

Pour les clients, c’est le début d’un voyage culinaire dans toute la Chine pour déguster tous les plats primés au concours.

 

Pour les équipes primées, il est temps de transmettre leur savoir-faire pour enrichir le patrimoine culinaire, fleuron de la culture chinoise. Comme le bon vin, avant d'être consacré "chef" avec sa recette primée, il faut attendre plusieurs années avant d'avoir le privilège d'être publié avec SON portrait et SA recette comme ce chef du restaurant Quanjude.

Avec la clientèle occidentale, la Chine a appris à mettre en avant le concept de « chef » à la française.